Numérique et grande distribution : les clients décident et pas les technos !
Le leader mondial du e-commerce, Amazon, vient d’annoncer l’abandon des boutons Dash, ces petits boutons à apposer sur les appareils du quotidien pour recommander en une pression un produit du quotidien à renouveler. L’usage subsistera, mais en ligne.
Cette décision est symptomatique d’une réalité : il y aura eu beaucoup de gadgets inutiles sur le chemin de la transformation digitale et les nouveaux usages réellement adoptés par les clients dans le cadre de la digitalisation des entreprises sont in fine très peu nombreux dans la grande consommation. Pourtant ces dernières années, des budgets d’investissement considérables ont été dépensés à la quête de l’outil qui pourrait faire la différence. Et à mots couverts, certains confrères reconnaissent qu’une partie de ces investissements l’ont été en pure perte.
Alors on me rétorquera immédiatement que rien n’est jamais perdu, que tester c’est apprendre… Bien sûr, mais encore faut-il avoir les moyens d’une politique massive de tests dont il ne reste que peu d’adoptions définitives.
Avant l’exemple précédent, il y a quelques années, beaucoup ont parié sur les écrans connectés dans les rayons des magasins : pour obtenir un conseil au rayon vin, pour approfondir un assortiment en non-alimentaire, pour commander sur le drive en magasin même. Ces écrans n’ont pas non plus trouvé d’usage pérenne, par manque de présence humaine sans doute.
Ce qui se passe dans le commerce alimentaire en Chine est intéressant à observer. L’expérience y est toujours plus phygitale : le smartphone est omniprésent et les commandes sont passées parfois pour un seul produit alimentaire livré en proximité, la technologie pour la préparation des commandes en magasin se mêle aux rayons, l’encaissement évolue très vite. Il faut simplement prendre en compte un contexte qui ne sera jamais le même en France : l’absence d’encadrement dans la gestion des données personnelles, une main d’œuvre abondante et bon marché, un tissu urbain aux dimensions, et donc au potentiel, inégalé.
Autre exemple souvent cité du côté de l’encaissement : ce qu’a réussi à faire Décathlon en rendant instantané le passage en caisse grâce aux puces RFID contenues dans les articles. L’expérience est particulièrement séduisante. Elle n’est pourtant pas à portée de l’alimentaire à date du fait du coût des étiquettes sur des produits de faible valeur. Et surtout, cela n’a pas empêché Décathlon de connaître quelques aléas en France en 2018 liée à des évolutions d’assortiment et de merchandising entre autres.
Alors la voix sera-t-elle demain la façon de se simplifier l’expérience-client ? Rien n’est moins sûr. Le client arbitrera toujours dans le sens d’une expérience fluide et rapide pour la réalisation de son panier de course, qu’il soit physique ou digital, et pour l’heure la voix n’optimise pas cela.
Tout cela nous renvoie avec force à la réalité des attentes des clients dans la grande distribution alimentaire : qu’elle soit physique ou digitale, une expérience d’achat complète et sans rupture, rapide, simple, au meilleur prix et maintenant avec un niveau de qualité et de transparence jamais atteint. Dès que l’on sort de ses prérequis de base très peu d’usages ont percé.
Quelle en est la liste ?
Le drive sous toutes ses formes et déclinaisons : drive isolé, drive en “pick and collect” dans un magasin existant, avec retrait du client ou livraison à domicile, en véhicule ou à pied, ou dans un point de retrait, qui peut être un drive piéton. C’est la réponse la plus forte, inventée par la distribution française, aux attentes des clients pour une expérience d’achat simplifiée, qui fait gagner du temps.
Dans le domaine de la livraison du drive, quand il n’est pas opéré par l’enseigne, est parfois traité par une start-up de livraison collaborative, particulièrement dans l’urbain. A date, personne n’a résolu la question de la livraison en zone rurale et son coût élevé.
Le traitement de la photo a totalement été transformé et les produits peuvent s’obtenir à distance en ligne ou en rendant aux bornes-photos à disposition dans les magasins physiques.
Pendant le parcours client, il est désormais courant de voir un client consulter son smartphone pour obtenir de l’information complémentaire, notamment grâce aux applis détaillant la composition des produits comme “Y a quoi dedans” développé par U.
En magasin, les usages qui ont vraiment percé tournent autour de l’encaissement : caisses en self check-out, self scanning et maintenant les premières expériences sans encaissement dans de toutes petites surfaces et pour de petits assortiments. Mais en France les premières expériences montrent une grande perturbation à ne pas avoir de point de contrôle en sortie de magasin tant les habitudes sont ancrées. Ceci dit c’est bien dans ce domaine que les lignes sont amenées le plus à bouger.
En fin de parcours toujours, le téléphone se mêle à l’encaissement pour permettre le paiement et la dématérialisation des tickets de carte bancaire ou du ticket de caisse. Il permet également de suivre la situation de son compte de fidélité. Faisant gagner quelques secondes précieuses par passage au magasin.
En dehors des usages directs dans le parcours client, mais cela vient le compléter ou permet de le préparer, les relations avec les clients via les réseaux sociaux se sont développées. Que ce soit les relations avec l’enseigne ou avec le magasin de proximité directement. Souvent, ce sont les grands réseaux sociaux existants qui ont été utilisés.
Je ne cite ici que les usages liés directement au parcours du client, mais on pourrait encore lister toutes les technologies qui améliorent les coulisses du fonctionnement d’un supermarché, comme les robots pour remplir des fiches articles ou l’intelligence artificielle pour améliorer les commandes. Ce champ est vaste et pourra faire l’objet d’un prochain approfondissement.
A une époque où le client a repris le pouvoir face aux grandes marques et aux enseignes, personne ne lui imposera rien. Il est d’un côté parfaitement informé et de l’autre, pour les courses de tous les jours, il cherche l’efficacité et la simplicité. Sur ce chemin, il n’hésite pas à privilégier le physique au digital, parce qu’il peut mieux faire ses choix ou parce qu’il y prend du plaisir au contact des produits et des collaborateurs. Seuls les usages qui répondront parfaitement à ces attentes sont à travailler et à tester. En conservant à tout moment une immense dose de bon sens face à l’ampleur des choix disponibles, mais souvent déconnectés du terrain.